A propos de la « Loi Biodiversité » de l’été 2016

La loi « Pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », votée le 20 Juillet 2016 par l’Assemblée Nationale et promulguée le 8 Août (loi n° 2016-1087, J.O. du 9/08/2016), a pour objectif affiché de mieux protéger et de valoriser les richesses naturelles. Elle reprend et enrichit la « loi sur la Nature » de 1976.

Dans son article 1, consacré aux principes fondamentaux de protection du patrimoine naturel, a été introduit un alinéa sur les sols : « les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine ».

Toujours dans l’article 1, on trouve une définition de la biodiversité : « On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toutes origines, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres systèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre organismes vivants ».

Dans l’article 2, il y a des choses qui concernent (entre autres) le monde agricole, comme le point 7 qui évoque « le principe d’une utilisation durable, selon lequel la pratique des usages peut être un instrument qui contribue à la biodiversité ».

Les principales sorties concrètes de la loi sont :

  • La création de l’Agence Française pour la Biodiversité
  • L’interdiction progressive des pesticides néonicotinoïdes (et plus largement la réduction de l’usage des pesticides)
  • Le principe de la réparation du préjudice écologique
  • Le principe de la non-régression du droit de l’Environnement
  • La considération des sols comme patrimoine commun de la nation, relevant de l’intérêt général.

Cette loi appelée par simplification « loi Biodiversité » va en fait bien au-delà de la simple notion (très à la mode) de « biodiversité ». Et si le monde agricole n’est pas le seul concerné, il l’est de toute évidence fortement et à au moins deux titres : la protection des sols d’une part, l’utilisation des pesticides d’autre part. Par ailleurs, qu’on le regrette ou qu’on l’approuve, la loi consacre de fait un droit de regard de la société toute entière sur ces deux points et plus largement sur l’activité de production agricole.

En ce qui concerne la protection des sols, cette loi pourrait correspondre au moins en partie à la transposition en droit français du fameux projet de Directive Européenne sur les sols, qui traine depuis 1986. Or, parmi les menaces qui pèsent sur les sols, la plus grave en France est l’urbanisation et l’artificialisation des sols : des hectares de parkings de supermarchés goudronnés chaque année, des centaines de ronds points inutiles sur les moindres départementales, etc.  Parmi les autres menaces importantes, il y a les pertes de sol par érosion, ainsi que l’altération de la qualité des sols par les pertes de matière organique ou par leur contamination (pesticides, métaux lourds). On peut noter qu’il n’est nulle part dans cette loi question la biodiversité microbienne des sols, et c’est heureux… Nous reviendrons sur ce thème prochainement.

En ce qui concerne l’usage des pesticides, cette loi arrive après le « plan Ecophyto » de 2008 (qui devait réduire de 50% l’utilisation de pesticides à l’horizon 2018), et après sa version réactualisée « Ecophyto II » qui acte du fait que l’objectif initial ne peut être atteint. Elle arrive aussi à un moment délicat où l’usage du glyphosate est remis en question alors qu’il est très utilisé dans le cadre de techniques culturales innovantes présentées naguère comme plus favorables au plan environnemental que les techniques classiques.

Bref, cela promet des échanges intéressants entre le monde agricole, le grand public, les décideurs… pour peu que les discussions s’appuient sur des arguments de bonne foi, des éléments objectifs et des connaissances solides plutôt que des idées préconçues et des a priori douteux. Le blog du SEMSE a justement l’ambition de contribuer au débat, en partageant les connaissances et les arguments des uns et des autres.

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